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Photo du rédacteurManon Beauchemin

Corbo (2014)

Très peu de films québécois arrivent à porter à l’écran une période historique du Québec avec autant de réalisme et de sensibilité. Corbo de Mathieu Denis y arrive brillamment. J’avoue d’entrée de jeu m’être reconnue à travers les idéaux de Jean Corbo et de ses amis militants, et même si je n’ai jamais posé de gestes extrémistes comme eux, j’arrive à comprendre les motivations derrière leur volonté d’agir. Ce film m’a fait découvrir un personnage historique dont j’ignorais l’existence et dont trop peu de québécois ont entendus parler. La délicatesse avec laquelle le réalisateur traite son sujet et le regard empathique qu’il porte sur ses personnages m’a vraiment émue. L’esthétique soignée et le jeu des acteurs est très convainquant et permet au public d’être complètement immerger dans cette période de l’histoire qui allait définir le Québec d’aujourd’hui.


Dans ce drame historique écrit et réalisé par Mathieu Denis et sorti en salles au début de l’année 2015 au Québec, il est question de Jean Corbo, un jeune montréalais militant pour le Front de libération du Québec décédé en 1966 alors qu’il allait poser une bombe au Dominion Textile, dans le quartier St-Henri. Le film aborde notamment la dualité identitaire du jeune homme né d’un père d’origine italienne et d’une mère québécoise, la relation qu’il entretient avec les membres de sa famille, son engagement politique, les difficultés des italo-canadiens à s’intégrer, l’asservissement des femmes, les inégalités sociales et la question de la langue au Québec. On comprend dès le début du film que Jean Corbo était rejeté par ses camarades de classe à cause de ses origines italiennes et qu’il ne se sentait pas non plus à sa place dans la communauté italienne de Montréal, il se cherchait énormément. Son besoin d’appartenance est comblé lorsqu’il se joint au FLQ et c’est probablement la raison pour laquelle il s’implique aussi intensément. L’esthétique soignée nous rappelle bien l’époque des années 60 et le réalisateur a pris le soin d’y inclure des enjeux propres à cette époque. Par exemple, la mère de Jean semble effacée voire totalement écrasée par les figures masculines, et son personnage est peu exploité, ce qui fait référence à la place moins importante occupée par les femmes à cette époque.


Bien que le réalisateur ne pose aucun jugement négatif ou positif face aux actes extrémistes de Jean Corbo, il admet, dans une entrevue accordée à Érudit, admirer sa fougue et son désir de vouloir changer le monde avec ses confrères militants. Il raconte que l’histoire de Jean Corbo avait particulièrement marqué son père qui était du même âge que lui, et qu’il avait décidé de lui raconter cette histoire. Denis avoue également se sentir près de Jean Corbo et se reconnaitre en lui. Ces éléments ont certainement influencé le réalisateur et sa façon de voir le jeune homme. L’angle choisit par Mathieu Denis pour son film montre clairement l’empathie qu’il ressent pour lui. Corbo est dépeint comme un martyre de la cause indépendantiste et un adolescent rejeté en quête d’une identité. À l’opposé, Mathieu, le chef de la cellule felquiste, est perçu comme un homme froid et autoritaire. Lorsqu’ils constatent la mort de Jean, les autres membres du FLQ se sentent atterrés et souhaitent arrêter leurs activités, Mathieu lui, reste stoïque et affirme vouloir continuer. Il se dégage également de toute responsabilité en lien avec la mort de Jean dans la lettre adressée à sa famille. Dans celle-ci, il dit s’excuser au nom de leur fils d’avoir cru trop fort à ses convictions, et explique que seule son implication personnelle est à blâmer dans les tristes évènements. Du point de vue de l’esthétique, le film tire parti des tons neutres et sombres qui sont présents du début à la fin du récit et qui évoque une période difficile, tant au niveau politique qu’au niveau social.


Le réalisateur confie dans Érudit que son film est très près de la réalité et qu’il a dû mener un important travail de recherche avant de s’attaquer à l’écriture du scénario. Il a ainsi pu rencontrer la famille et les amis de Jean Corbo, ainsi que d’anciens membre du FLQ. Malgré cela, certains éléments sont inventés de toute pièce. Le frère de Jean, Claude Corbo, n’a pas souhaité s’associer au film, c’est pourquoi le réalisateur a dû imaginer un personnage pour le représenter. Il a aussi raconté dans un extrait audio publié sur le site de Radio-Canada que le film que Jean et son frère vont voir au cinéma est également un élément fictif. En effet, La bataille d’Alger est un film qui a beaucoup inspiré le réalisateur, cependant, il n’était pas encore présenté en salle au Québec en juillet 1966. Ce dernier, qui traite d’un combat d’affirmation national, faisait un lien direct avec les évènements dont il est question dans Corbo, et c’est la raison pour laquelle Mathieu Denis l’a ajouté à son film. Il admet également avoir apprécié que le réalisateur ait décidé de ne pas condamner les personnages de son film lorsque ceux-ci commettent des actes de terrorismes, sans pour autant les élever au rang de héros. C’est quelque chose qu’il souhaitait reproduire avec Corbo.


Pour conclure, le film Corbo de Mathieu Denis relate d’une période de l’histoire du Québec très rarement discutée, et permet une meilleure compréhension des évènements qui sont survenus quelques années plus tard, durant la crise d’Octobre. L’histoire du jeune militant felquiste est fidèle à la réalité à quelques détails près, et sa mort tragique à l’âge de seulement seize ans réussit à émouvoir le public. Le film arrive à mettre de l’avant un personnage important de notre histoire trop longtemps relégué aux oubliettes




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